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La Naissance du French Boogie dans les Années 1980

today19 juillet 2024 29 35 5

Arrière-plan
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Au début des années 1980, un ensemble complexe de circonstances politiques, industrielles et surtout sociales a conduit à la création d’une nouvelle danse révolutionnaire : le French Boogie.

Cette période était marquée par des changements profonds dans la société française, notamment une montée en puissance des mouvements culturels et une soif de nouveauté parmi les jeunes.

Le French Boogie, influencé par les rythmes funk et disco venus des États-Unis, a rapidement trouvé un écho dans les quartiers populaires.

Les Racines du French Boogie à Clichy-sous-Bois

 

Plus précisément, c’est à Clichy-sous-Bois, une banlieue située au nord-est de Paris, que ce courant musical et dansant a vu le jour.

Les ondes de la bande FM, qui commençaient à se libérer des contraintes rigides de la programmation musicale traditionnelle, ont joué un rôle crucial dans la diffusion rapide de ce nouveau style.

Ainsi, le French Boogie est devenu un symbole vibrant de l’énergie créative et de l’aspiration à une identité culturelle distincte chez les jeunes Français de cette époque.

Entre la période de la soul et celle du rap (une distinction qui, bien qu’artificielle, s’efface avec le temps à mesure que les genres se croisent et se mélangent), le French-Boogie puise initialement ses inspirations dans le funk américain.

Concrètement, il s’agit d’un mélange éclectique de funk et de disco, avec des paroles légères et des influences issues de la diversité culturelle marquant les changements sociaux sous le premier mandat de Mitterrand.

Bien que des artistes comme Alec Mansion, Micky Milan, François Feldman et JM Black soient des figures emblématiques, le French Boogie trouve principalement ses racines dans la radio.

L’Influence des Radios Libres et de la Loi de 1981 sur le french boogie

 

La loi du 9 novembre 1981 marque la légalisation des radios pirates, désormais appelées « radios libres ».

Cette légalisation s’accompagne naturellement d’un contrôle, mis en œuvre par la création d’une nouvelle institution : la Haute Autorité de la Communication et de l’Audiovisuel, précurseur du CSA.

Deux règles strictes sont imposées : l’interdiction de diffuser de la publicité et l’interdiction de se structurer en réseau.

À cette époque, Radio Show est devenue la référence incontournable pour tous les amateurs de musique funk sur les ondes françaises.

L’émission est brillamment animée par Claude Vivaldi, un personnage bien connu dans la région, mais pas en tant que vendeur de tapis comme on pourrait le croire à cause de son nom.

En réalité, Claude est un marchand de chaussures réputé et le propriétaire de la boutique « Vivaldi Chaussures« , située en plein cœur de la ville.

Radio Show et l’Émergence de Claude Vivaldi

 

Bien que l’émission soit initialement destinée à promouvoir la variété française, avec un slogan qui rappelle les célèbres émissions comme Salut les copains et Podium (« Radio Show est la radio du show business »), elle finit par attirer principalement les passionnés de funk grâce à sa programmation audacieuse et dynamique.

La station traverse des moments difficiles, reflétant les aléas des radios libres durant leur âge d’or, une période aussi glorieuse que brève.

Pour survivre, Radio Show mise sur le recrutement de jeunes animateurs motivés et bénévoles, ainsi que sur la mobilisation fervente de ses auditeurs.

Ces derniers se lèvent contre les menaces de saisies qui pèsent sur leur station préférée.

Lorsque les autorités confisquent le matériel, l’équipe ne se laisse pas abattre et continue de diffuser clandestinement depuis des lieux secrets, témoignant ainsi de leur passion et de leur détermination face à cette période mouvementée.

L’Impact de Radio 7 et des Animateurs Emblématiques

 

Parmi les stations de radio ayant contribué à la popularisation de la musique funk en France, on peut également mentionner Radio 7, une filiale de Radio France lancée dans les années 1980.

Cette station émet légalement, ce qui lui confère une certaine stabilité et crédibilité auprès de ses auditeurs.

Bien que Radio 7 ne soit pas exclusivement dédiée à la musique funk, elle cible principalement un public jeune, avide de nouveautés musicales et de sons innovants.

Pour atteindre son objectif de proposer des contenus avec une forte présence musicale, Radio 7 a fait appel à deux animateurs emblématiques qui ont marqué l’histoire de la station.

Le premier est RLP, reconnu comme l’un des premiers animateur DJ-funk en France.

Sa passion pour la musique funk et sa capacité à animer des émissions dynamiques ont rapidement attiré une large audience.

Le second animateur est Sidney, une figure incontournable du paysage musical français.

Sidney s’est d’abord fait connaître comme la voix charismatique de Rapper Snapper Dapper avant de devenir un ambassadeur du Hip-hop sur TF1.

Il animait une émission célèbre portant son nom en six lettres, qui a grandement contribué à l’essor du Hip-hop en France.

Grâce à ces deux personnalités influentes, Radio 7 a réussi à se forger une identité unique et à jouer un rôle crucial dans la diffusion et la popularisation de la musique funk auprès des jeunes générations.

L’ère des radios libres, qui a débuté dans les années 1980 en France, est également marquée par une euphorie collective et associative.

Cette période voit l’émergence de nombreuses stations emblématiques, notamment dans les zones périurbaines où les habitants, avides de nouvelles formes d’expression, se mobilisent pour créer des radios indépendantes.

Ces stations deviennent rapidement des lieux de rencontre et de partage pour des personnalités iconoclastes qui cherchent à bousculer les normes établies.

L’Euphorie des Radios Libres et l’Exemple de Carbone 14

 

Un exemple notable de cette effervescence est la station Carbon 14, qui se distingue par son ton décalé et sa programmation audacieuse.

Parmi ses animateurs vedettes figure Phil Barney, de son vrai nom Philippe Baranes.

Avant de s’imposer comme une voix incontournable de la radio libre, Phil Barney s’est fait connaître dans le monde de la musique avec son tube « Un enfant de toi« .

Cette chanson, bien que parfois jugée embarrassante par certains, a marqué toute une génération et reste ancrée dans la mémoire collective.

Vous pouvez d’ailleurs fredonner ce titre aussi longtemps que nécessaire pour envisager la stérilisation, tant il est difficile à oublier.

Phil Banrey, bien que possédant une large gamme d’armes, est reconnu comme l’un des pionniers de la diffusion du rap en France.

En tant que membre fondateur de la station de radio libre Carbone 14, qui a marqué l’histoire des médias français dans les années 1980, il consacre sa programmation exclusivement à des musiques « noires », principalement du funk, sur la plage horaire privilégiée de 17 à 19 heures.

Cette tranche horaire, très écoutée par les jeunes et les amateurs de nouvelles tendances musicales, lui permet de toucher un large public.

Il y interprète également le générique intitulé Salut les Salauds, une signature sonore devenue emblématique de son émission.

Phil Banrey est le premier animateur à avoir diffusé sur les ondes françaises le célèbre morceau Rapper’s Delight de Sugarhill Gang, ouvrant ainsi la voie à la popularisation du rap en France et influençant de nombreux artistes et auditeurs.

En résumé, la France des années 80 se révèle être un terreau musical prolifique, tant en termes de moyens de diffusion qu’au niveau créatif.

Cette période est marquée par un contexte social stimulant, caractérisé par une libéralisation des médias et une ouverture culturelle sans précédent.

Les radios libres, nouvellement autorisées, jouent un rôle crucial dans la diffusion de nouveaux genres musicaux et offrent une plateforme aux artistes émergents.

Parallèlement, la richesse culturelle du pays, alimentée par une diversité ethnique et une scène artistique dynamique, favorise l’émergence de nouveaux courants musicaux tels que le rock alternatif, le hip-hop français et la musique électronique.

Ce bouillonnement créatif est également soutenu par des politiques culturelles ambitieuses qui encouragent l’innovation et l’expérimentation.

L’émergence du French Boogie dans les années 1980 est un phénomène profondément politique, en partie grâce à la légalisation des radios indépendantes qui ont permis une plus grande diversité musicale et une diffusion plus large de ce genre.

Cependant, cette émergence est également le reflet fidèle de son époque. En effet, les années 80 sont caractérisées par un libéralisme économique effréné, avec des politiques favorisant le marché libre et une réduction des régulations étatiques.

Cette période est fortement influencée par la culture américaine, notamment par le rêve américain et l’attrait pour le succès matériel.

Dans ce contexte, la musique French Boogie devient une bande-son emblématique pour certains, offrant l’illusion d’un succès enivrant et d’une prospérité accessible à tous.

Pourtant, cette période est aussi marquée par une récession persistante qui frappe durement l’économie française.

Les plans sociaux se multiplient, signalant des licenciements massifs et des restructurations d’entreprises.

De plus, c’est le début de la désindustrialisation, avec la fermeture progressive des usines et une montée du chômage.

Ainsi, le French Boogie sert de leurre et de refuge musical dans une époque où les réalités économiques sont souvent sombres et incertaines.

Certains tabous liés au racisme commencent à se dissiper, et on constate les premières fractures racistes au sein de la classe ouvrière, qui est pourtant la plus touchée par la récession économique des années 1980.

Cette situation devient particulièrement visible lors des grèves dans l’industrie automobile entre 1982 et 1984.

Ces conflits sociaux sont en partie attribués à l’agitation des « groupes religieux » qui exacerbent les tensions.

Les tendances racistes, qui étaient restées latentes depuis la guerre d’Algérie, resurgissent ainsi de manière significative.

Les ouvriers, confrontés à une insécurité économique croissante et à un avenir incertain, semblent plus réceptifs aux discours xénophobes et aux divisions raciales.

Ces événements marquent une période de fracture sociale profonde où les préjugés raciaux, longtemps contenus, refont surface et influencent les dynamiques au sein du mouvement ouvrier.

Il est évident que les années 80 représentent une période où les innovations culturelles sont étroitement liées aux changements politiques en France.

Cette décennie est marquée par des transformations profondes dans divers domaines, allant de la musique à l’art, en passant par la mode et le cinéma.

En 1981, un tournant significatif se produit avec l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, inaugurant une ère de réformes sociales et politiques.

L’une des premières mesures notables de cette nouvelle administration est la circulaire de Gaston Defferre, alors ministre de l’Intérieur, qui assouplit les conditions d’obtention des titres de séjour et de l’asile politique.

Cette circulaire vise à humaniser le traitement des étrangers en situation irrégulière et à faciliter leur intégration dans la société française.

Elle reflète un climat d’ouverture et de tolérance qui caractérise le début des années Mitterrand.

Cependant, cet élan progressiste sera freiné par la Loi Pasqua, adoptée cinq ans plus tard en 1986.

Initiée par Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur sous le gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac, cette loi durcit considérablement les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

Elle marque un retour à une politique migratoire plus restrictive, en réponse aux préoccupations croissantes concernant l’immigration et la sécurité nationale.

Ainsi, les années 80 illustrent bien comment les innovations culturelles et les changements politiques peuvent être intimement liés, chaque avancée étant souvent suivie d’un mouvement de recul ou d’ajustement.

Durant ces années de surabondance économique des années 1980, où l’on profite également d’une cinquième semaine de congés payés, les cultures méridionales, notamment celles du sud de la France et de la Méditerranée, deviennent des objets de désir consommables au même titre que d’autres produits culturels et de loisirs.

Les vacances prolongées permettent aux Français de découvrir et d’apprécier ces cultures, contribuant ainsi à leur popularité.

Parallèlement, le funk new-yorkais continue de faire rêver une jeunesse avide de nouveauté et d’exotisme, porté par un libéralisme effréné et fantasmé qui promet liberté et prospérité.

À l’intersection de ces influences culturelles et musicales, le French Boogie émerge, fusionnant rythmes funky et sonorités locales pour créer un genre unique qui trouve rapidement sa place dans les soirées et discothèques.

Pour en avoir un aperçu sonore et se plonger dans cette ambiance festive, on peut écouter « Dansez le Raksi » de Nordine Staïfi, un morceau emblématique de cette époque.

Figure emblématique du disco algérien des années 1980, Nord ine Staïfi a su créer un style musical unique en son genre.

En fusionnant les riches traditions musicales de l’est de l’Algérie, particulièrement celles de sa région natale de Aïn Azel dans la wilaya de Sétif, avec les rythmes entraînants et modernes du disco, il a marqué toute une génération.

Son morceau emblématique « Dansez le Raksi » ne se contente pas seulement de faire danser les foules, il ouvre également le deuxième volume de la célèbre compilation « France Chébran ».

Cette compilation, éditée par le label Born Bad Records, est un hommage à la scène musicale française des années 1980 et se distingue par une couverture accrocheuse représentant Bernard Tapie vêtu en costume de Napoléon au cœur du quartier cosmopolite de Barbès à Paris.

Les sonorités staifi, une musique festive traditionnelle algérienne, imprègnent le morceau soutenu par un rythme de batterie disco.

Les paroles sont chantées en français, arabe, anglais et en yaourt 0%.

De plus, un hommage subtil mais évident aux débuts du hip-hop américain est rendu à travers une citation discrète mais reconnaissable du célèbre titre « Rapper’s Delight » glissée habilement par le chanteur.

En évoquant le Gang, il est important de noter que le French Boogie se danse souvent en groupe, particulièrement en club. Durant les années 60, de nombreux établissements dédiés aux musiques dites du monde voient le jour.

On y danse sur du raï, du zouk, et tous ces morceaux circulent joyeusement à travers la France grâce aux cassettes audio (encore une invention essentielle qui a grandement contribué aux avancées et explorations musicales de cette période).

Dans les années 70 et 80, l’Échappatoire à Clichy-sous-Bois se transforme en un lieu emblématique pour le genre musical disco et funk.

Ce club, situé en banlieue parisienne, devient rapidement un repère incontournable pour les amateurs de musique et de danse.

Micky Milan, son fondateur et DJ légendaire, y joue un Dans rôle crucial en façonnant les années la scène 70 musicale locale et .

Milan, passionné par la découverte de nouveaux talents, a révélé au public un jeune artiste prometteur à Clichy-Sous-Bois.

Ce lieu emblématique est devenu un point de repère pour le genre musical, mettant en lumière un talent alors méconnu mais déjà doté d’une voix exceptionnelle.

Ce club possède un talent indéniable. Sous l’impulsion de Ricky Milan, un DJ légendaire, l’Échapatoire accueille également des artistes prometteurs qui, grâce à son flair exceptionnel pour découvrir de nouveaux talents, deviendront plus tard des figures emblématiques du Top 50, comme Kid Créole and The Coconuts. Il est rapidement devenu une référence.

Le club est un véritable refuge pour les amateurs de musique célèbres.

Grâce à ses collaborations avec Micky, les membres de Milan ont pu faire connaître au public un Gilbert Montagné encore méconnu, mais déjà doté d’un talent exceptionnel.

Il a également joué un rôle clé en favorisant l’émergence de nouvelles tendances musicales et en aidant de nombreux artistes à se faire connaître, certains d’entre eux devenant plus tard des figures emblématiques du Top.

L’Échappatoire est ainsi devenu un véritable tremplin pour ces artistes, contribuant à façonner le paysage musical des décennies suivantes.

Milan accueille chaque année des défilés de mode spectaculaires, et parmi les créateurs les plus attendus figure Paco Rabanne, un habitué de la scène milanaise.

Connu pour son style emblématique des années 80, Paco Rabanne a su marquer l’histoire de la mode avec ses créations avant-gardistes et audacieuses.

Ces événements prestigieux attirent l’attention de nombreuses célébrités internationales, telles que le légendaire musicien Prince et le chanteur Jimmy Somerville, tous deux reconnus pour leur bon goût et leur influence dans le monde de la mode et de la musique.

En plus de son génie créatif dans la haute couture, Paco Rabanne a également laissé sa marque en tant que producteur musical.

Il a contribué à la création de morceaux emblématiques du French Boogie, un genre musical qui reste indissociable des soirées dansantes et festives.

Ses contributions ont ainsi enrichi à la fois l’univers de la mode et celui de la musique, faisant de lui une figure incontournable des années 80.

Les titres de l’album évoquent des rêves et des moments de pure évasion.

Par exemple, « Quand tu danses (tout bouge et balance) » est un hymne funk hédoniste qui célèbre la joie du mouvement et de la danse, avec des paroles chantées en plusieurs langues pour une touche cosmopolite.

Ensuite, il y a « C’est Une Bombe« , un morceau disco sexy qui ne laisse aucune place à l’ambiguïté : il s’agit simplement d’une ode à faire l’amour avec une fille extraordinaire, sans détour ni métaphore.

Enfin, « Vacances On s’Éclate » propose une vision différente des vacances par rapport à « Vacances j’oublie tout », en mettant l’accent sur le plaisir et l’excitation des moments passés à se divertir pleinement.

Ces chansons capturent chacune à leur manière des instants de bonheur et de liberté absolue.

L’héritage musical et les paroles ostensiblement joyeuses révèlent parfois une conscience sous-jacente complexe et nuancée.

Par exemple, la chanson « Vacances j’oublie tout » du groupe Élégance évoque-t-elle la consommation hédoniste des congés payés par le jeune cadre dynamique et extravagant, qui cherche à fuir la monotonie de la vie quotidienne ?

Les paroles entraînantes et le rythme enjoué masquent-ils une critique subtile de cette quête incessante de plaisir immédiat et de déconnexion totale ?

De même, Serge Delisle, dans sa chanson « Germaine« , critique-t-il les bourgeoises qui se laissent aller et abandonnent leurs responsabilités sociales pour se complaire dans une existence insouciante et superficielle ?

Ces exemples illustrent comment la musique populaire peut servir de miroir à des comportements sociaux et économiques, tout en offrant une réflexion plus profonde sur les valeurs et les choix de vie contemporains.

Cela nous amène à nous interroger sur le fait que le French Boogie, un genre musical apparu dans les années 1980 et caractérisé par ses influences funk, disco et soul, pourrait bien être considéré comme les prémices de la musique urbaine moderne en France.

En effet, en observant son parcours historique, marqué par son essor initial dans les clubs parisiens, son renouveau au début des années 2000 grâce à une redécouverte par les nouvelles générations de DJs et producteurs, et enfin sa domination totale aujourd’hui sur la scène musicale française, il est difficile de ne pas voir en lui un précurseur.

Désolés pour les conservateurs qui pourraient préférer les genres musicaux plus traditionnels, mais l’impact du French Boogie sur la culture musicale actuelle est indéniable.

La relation entre le French Boogie et le rap français n’est pas universellement acceptée, suscitant de nombreux débats parmi les experts et les passionnés de musique.

Philippe Bourgoin, un producteur influent et reconnu pour son travail sur l’emblématique morceau du French Boogie « Chacun fait (c’qui lui plaît) » du groupe Chagrin d’Amour, a ravivé cette controverse dans le troisième numéro de la revue spécialisée Audimat.

Dans cet article, Bourgoin exprime ses doutes en déclarant : « Je ne crois pas que Chagrin d’Amour ait initié une scène rap en France.

Qui pourrait considérer « Vacances j’oublie tout » comme un morceau de rap ? »

Cette déclaration met en lumière la complexité des genres musicaux et la difficulté de tracer des frontières claires entre eux.

Le débat porte non seulement sur l’influence réelle de Chagrin d’Amour sur le développement du rap en France, mais aussi sur la manière dont les différents styles musicaux se sont entrecroisés et ont évolué au fil des décennies.

C’est probablement l’essor fulgurant du rap aux États-Unis, un genre musical qui a pris racine dans les quartiers défavorisés des grandes villes américaines et qui a su captiver l’attention de la jeunesse avec ses rythmes percutants et ses paroles engagées, puis son expansion rapide de l’autre côté de l’Atlantique, notamment dans sa version dite « consciente » qui aborde des thématiques sociales et politiques, qui a progressivement conduit à la disparition du French Boogie à la fin des années 80.

Le French Boogie, avec ses influences funk et disco, ne pouvait rivaliser avec l’authenticité brute et la puissance narrative du rap.

Ce dernier est devenu le moyen d’expression le plus adéquat pour véhiculer les joies, les désirs et les peines de la jeunesse de cette époque, un miroir de leur réalité quotidienne.

Ou alors, il se peut que les gens aient simplement utilisé l’argent généré par la bulle internet pour affiner leurs goûts musicaux et se tourner vers des genres plus novateurs et en phase avec leur époque.

Le mouvement du French Boogie, qui a émergé dans les années 1980 en France, continue de vivre aujourd’hui dans l’esprit des puristes et des nostalgiques de cette époque.

Ce genre musical, caractérisé par ses rythmes funky et ses influences disco, trouve également une nouvelle vie parmi les contributeurs des sites internet spécialisés comme Bide-et-Musique ou Horreurs Musicales, où les passionnés partagent et redécouvrent des morceaux oubliés.

Ce renouveau est en grande partie alimenté par les compilations soigneusement sélectionnées par Vidal Benjamin chez Versatile Records, ainsi que celles de Serendip-Lab chez Born Bad Records, avec des albums tels que « France Chébran Volume 1 » et « Volume 2« .

Ces initiatives démontrent clairement que le French Boogie occupe toujours une place spéciale dans le cœur de ses amateurs, continuant d’influencer et d’inspirer de nouvelles générations de mélomanes.

Ce soir, on sort pour laisser derrière nous nos soucis, ce soir, on sort pour tout oublier.

Dans « Histoire d’un soir« , un morceau méconnu de 1983, Brigitte Gasté, connue sous le pseudonyme de Bibi Flash, raconte une sortie nocturne et capture l’essence du french boogie en quelques phrases simples et des lignes de basse espiègles : une célébration presque ininterrompue de la fête, des amours passagères et de la jeunesse éternelle.

Avec une profusion de textes légers, des rythmes funky, des synthétiseurs groovy et des refrains accrocheurs, ce genre musical mêlant funk, disco et new-wave, né au début des années 80, érige la boule à facettes en symbole d’une génération qui profite encore du privilège de l’insouciance.

Bernard Tapie arbore des Ray-Ban étincelantes, les Français bénéficient désormais d’une cinquième semaine de congés payés, et le Minitel commence à se faire connaître.

Les nouvelles radios libres diffusent des propos osés qui font rougir les ondes, tandis que des centaines de vacanciers s’amusent dans les clubs Med.

Bien que l’ombre du sida et les retombées de Tchernobyl assombrissent quelque peu l’humeur générale, l’ambiance reste majoritairement festive.

Comme souvent, la musique devient le reflet cathartique de cette époque, se manifestant ici par des excentricités disco.

Les compilations joyeuses « France Chébran » de Born Bad Records et « Disco Sympathie » de Versatile, sorties respectivement en 2015 et 2014, capturent parfaitement la bande-son de l’ère Mitterrand en nous transportant dans l’atmosphère des clubs de cette période.

Dans les discothèques de banlieue et de province, souvent discrètes, mais aussi dans certains clubs branchés de la capitale, se côtoie un mélange varié de célébrités en quête de divertissement, de DJ enthousiastes, d’amateurs de culture américaine frustrés et de mannequins, comme la chanteuse de New Paradise.

Ils ne sont pas nécessairement musiciens dans l’âme, mais ils viennent presque tous des sphères les plus en vogue d’une décennie dominée par le bling-bling, l’apparence («Playboy, playboy, Playboy en panne de tendresse»), le culte de soi et une certaine frénésie consumériste.

Chacun y va de sa petite chanson naïve, efficace et dansante, conçue pour les pistes de danse et les ondes radio, avec l’espoir de sortir le tube de l’été.

Les basses résonnent, les synthétiseurs brillent, et les productions sont toujours funky et joyeuses, peu importe le sujet du morceau.

Cela peut devenir particulièrement inconfortable lorsque ces mélodies accompagnent des paroles glaçantes.

De Club Privé à Anisette en passant par Attaché Case, ces artistes, tous animés par le désir de briller sous les projecteurs, ne seront pourtant que peu nombreux à atteindre le statut de star.

Victimes d’un succès aussi rapide qu’éphémère, la plupart des morceaux boogie de l’époque tombent dans l’oubli ou finissent sur des sites comme bidemusique.com. Cependant, quelques titres se démarquent encore aujourd’hui en continuant de diffuser joie et bonne humeur. Parmi eux, on retrouve l’attachant ‘Chacun fait (c’qui lui plaît)’ du duo franco-américain Chagrin d’Amour (produit par Patrick Bruel), le festif ‘Vacances j’oublie tout‘ d’Élégance, le léger ‘L’eau de Nice‘ d’Alec Mansion ou encore le romantique ‘Rien que pour toi‘ de François Feldman.

Même les plus grands noms se sont essayés au disco-boogie, notamment Eddy Mitchell avec son titre précurseur du rap et du mouvement #balancetonporc, ‘Tu n’dois pas toucher‘.

Dans cette collection musicale ludique, on retrouve également des animateurs de radios libres comme Yannick Chevalier et Phil Barney.

Ce dernier a contribué à la création de la fameuse radio Carbone 14, où il diffusait beaucoup de funk et qui fut parmi les premières à passer du hip-hop.

Il s’est même essayé au rap en prêtant sa voix au générique de l’émission « Salut Les Salauds« , composé par le groupe Interview.

Cette ouverture vers les radios libres américaines influence et affecte la popularité du boogie en France.

En effet, pour dépeindre les aventures des jeunes des années 80, le french-boogie s’inspire des musiques noires et urbaines américaines, empruntant sans complexe les instrumentaux de Sugar Hill Gang et le style des Last Poets.

À l’intersection du funk, de la disco, de la variété française et du hip-hop, ces morceaux et l’aura légèrement marginale de leurs interprètes représentent en quelque sorte les précurseurs de nos rappeurs actuels.

Simultanément à l’émergence du smurf, du scratch et de la breakdance, des artistes commencent à rapper et chanter en mélangeant le français et l’anglais de manière approximative.

Le résultat est parfois heureux, parfois moins, mais il serait aujourd’hui perçu comme délicieusement désuet et attendrissant.

C’est ainsi que naît un rap à la française, évoquant un vieux tonton embarrassant qui se lancerait dans un freestyle après un repas bien arrosé.

En plus de remplacer le chant par des paroles scandées, les arrangements musicaux intègrent des sonorités orientales et africaines.

Avec l’émergence d’une seconde génération d’immigrés dans les banlieues parisiennes, la diffusion de reggae et d’autres « musiques du monde » sur les radios libres et communautaires, ainsi que la volonté de promouvoir les musiques actuelles à travers les jeunes MJC et la Fête de la Musique, le contexte de l’époque est propice à l’émergence de musiques métissées.

De plus, en affichant une certaine attirance pour les ambiances ensoleillées et tropicales, le french-boogie reflète l’esprit « Touche Pas à Mon Pote » tout en restant politiquement neutre et volontairement superficiel.

Cette bande de jeunes adopte une frivolité que Laurie Destal n’aurait certainement pas reniée.

Une légèreté qui continue de séduire aujourd’hui, alors que la mode contemporaine reste attachée à un revival perpétuel des années 80.

Les soirées électro, en particulier, s’inspirent largement de la scène nu-disco en vogue depuis les années 2000, comme les fameuses nuits Belleville Boogie.

Depuis 2016, La Java s’anime plusieurs fois par mois au rythme de la disco et du boogie des années 80, avec des touches de house et de musiques africaines.

En 2018, Braque de Weimar a sorti « Folie Douce« , un morceau qui mêle les codes du french boogie et du hip-hop, sous le label Cracki Records.

Le duo de DJs France80, initié par Rod Glacial, spécialiste du genre, rend hommage à ce style à chaque set, tandis que Dabeull se consacre entièrement au funk vintage.

Cette frénésie disco qui envahit les clubs est également alimentée par l’arrivée de producteurs de la nouvelle génération comme Bon Voyage Organisation ou L’Impératrice.

La nouvelle génération de la French Touch n’hésite pas à s’inspirer abondamment du funk et du disco, des genres qui ont déjà influencé leurs prédécesseurs, comme Yuksek et Breakbot.

Sur le thème du lâcher-prise, la pop trouve également sa place.

Empruntant les sonorités ensoleillées de la pop française des années 2010, représentée par des artistes comme Polo & Pan et Papooz, le french boogie version pop regorge de vitalité et célèbre toujours l’hédonisme.

Cette pop dansante puise sans hésitation dans les influences des années 80 et de l’italo-disco, continuant à séduire la jeunesse branchée actuelle. Des synthétiseurs de Sébastien Tellier à ceux de Lewis Ofman, le groove est omniprésent.

En 2016, le groupe toulousain Hypnolove réchauffe les esprits avec son morceau lumineux ‘La Piscine’ et récidive en 2019 avec ‘Marbella’.

Ce morceau, taillé sur mesure pour l’été, arbore un kitsch rafraîchissant et pleinement assumé, évoquant l’insouciance caractéristique du french boogie !

Ce même flegme se retrouve chez Charlotte Fever, le « duo de synth-pop caniculaire« , avec leur titre ‘Gang Naturiste‘.

De son côté, Le Noiseur explore avec tendresse la nostalgie à travers son titre judicieusement nommé ‘Summer Slow 88‘.

En ce qui concerne les remixes, on a pu découvrir ces dernières années de nombreux arrangements influencés par le boogie, tels que l’exotique ‘Coco’ des Yeux Orange‘Ça fait du bien’ d’Antonin revisité par Polo & Pan, ou encore ‘L’amour peut-être‘ de Ricky Hollywood avec Bertrand Burgalat remixé par Nit.

Pour finir, même les disquaires se lancent dans cette tendance, comme en témoigne l’ouverture de Dizonord dans le 18e arrondissement, une boutique dédiée aux disques de boogie et autres genres synthétiques rétro.

Écrit par: Team Funky Pearls

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