L’ascension et l’hĂ©ritage du Godfather of Soul
James Brown, cette lĂ©gende, nĂ© avec toutes les chances contre lui. Mais si le destin avait essayĂ© de le mettre K.O., il avait la tĂ©nacitĂ© d’un rappeur du 9-3.
Quand il soufflait ses trente bougies, il n’Ă©tait pas simplement l’un des piliers du son : il reprĂ©sentait la voix, l’Ă©cho d’une communautĂ© afro-amĂ©ricaine.
Avec le charisme d’un Jay-Z et la prĂ©sence scĂ©nique d’un Kendrick, il s’inscrivait dans la culture, suscitait l’admiration mais aussi la crainte. On pouvait le critiquer, le parodier, mais jamais l’ignorer.
Presque parti avant d’avoir commencĂ©, sauvĂ© in extremis dans une cabane de Caroline du Sud, James Brown avait cette soif de grandeur propre aux grands MCs.
Son crew s’appelait « Famous » bien avant d’avoir le moindre buzz ; il se surnommait lui-mĂȘme « Mr. Dynamite » avant mĂȘme d’avoir un son en rotation lourde sur les ondes ; et se considĂ©rait comme « The Hardest Working Man in Show Business » avant que le milieu ne se l’approprie. Son parcours, entre street credibility et rĂȘves XXL, est la preuve que l’audace paie.
Les dĂ©buts de James Brown : de l’anonymat Ă la cĂ©lĂ©britĂ©
Et l’homme est devenu cette icĂŽne, ce phĂ©nomĂšne incontournable du funk.
Certains diront qu’il avait cette libertĂ©, ce flow trop imposant, Ă la maniĂšre des pionniers du rap US.
Night out aprÚs night out, entre performances live et sessions studio, il dégageait cette énergie, ce vibe qui nous rappelle les prodiges du hip-hop.
Et face Ă une foule en transe Ă la fin des sixties, avec le swag des plus grands, James Brown les captivait : « Vous pensez manquer de soul ? Dites-le moi, je vous en dĂ©panne. J’ai ce qu’il faut, en quantitĂ© industrielle! »
« JAMES BROWN n’est pas juste un nom ou une personne, » il nous confiait rĂ©cemment.
« C’est une idĂ©e, une Ă©nergie, un mouvement.
Ce n’est pas l’individu que je suis. JAMES BROWN, c’est une libertĂ© que j’ai conçue pour l’humanitĂ©. »
James Brown grandit avec la musique comme bouĂ©e Ă©motionnelle. ElevĂ© dans une maison close Ă Augusta, en GĂ©orgie, il n’a jamais connu l’amour ou les conseils de ses parents.
La débrouille était sa principale préoccupation, le sport son exutoire.
La musique lui plaisait : le gospel lorsqu’il allait Ă l’Ă©glise, le swing des grands orchestres et le rhythm & blues naissant qu’il Ă©coutait Ă la radio ou sur les juke-boxes. Louis Jordan et ses Tympany Five l’inspiraient particuliĂšrement.
Ă seulement 13 ans, en 1946, Brown tenta sa chance avec son Cremona Trio, histoire de gagner quelques sous.
Sa carriĂšre fut mise en pause lorsqu’il fut incarcĂ©rĂ© pour de menus larcins en 1949.
En 1952, il est libĂ©rĂ© sur parole Ă Toccoa, en GĂ©orgie, oĂč il mĂšne une vie tranquille consacrĂ©e Ă la musique.
Byrd rejoint d’abord le groupe Ă©tabli de son frĂšre Bobby Byrd, les Gospel Starlighters ou les Avons, selon les circonstances.
Transporter de l’alcool illĂ©galement rapportait bien plus que leurs emplois de jour et leurs concerts nocturnes. Cependant, chanter du rhythm & blues semblait de plus en plus logique.
Retour sur scĂšne : la renaissance d’une lĂ©gende
Avec Barry Trimier de Toccoa comme manager, le groupe se produisait dans toutes les configurations possibles sous diffĂ©rents pseudonymes. Tout s’accĂ©lĂšre lorsqu’ils montent, sans prĂ©venir, sur scĂšne lors d’un show local de Little Richard, le roi de Macon.
Ă l’automne 1955, les Flames avaient Ă©laborĂ© un morceau effrĂ©nĂ© et empreint de gospel intitulĂ© âPlease Please Pleaseâ, inspirĂ© de âBaby Please Donât Goâ, un classique du blues qui avait Ă©tĂ© un grand succĂšs pour The Orioles en 1952.
GalvanisĂ© par les rĂ©actions Ă leurs concerts – oĂč on voyait non seulement James Brown rĂ©aliser ses fameux flips et Ă©carts, mais aussi ramper sur son ventre de table en table – le groupe enregistre une version Ă©purĂ©e de la chanson dans le sous-sol de la station de radio WIBB Ă Macon.
L’hĂ©ritage Ă©ternel : comment James Brown a redĂ©fini la soul
Pour Ralph Bass, cela a Ă©tĂ© un coup de foudre. DĂ©nicheur de talents et producteur pour le label Federal de King, pionnier du r&b ayant supervisĂ© les carriĂšres d’artistes tels que T-Bone Walker, Little Esther Phillips, the Dominoes et bien d’autres, Bass a entendu la mĂ©lodie lors d’une visite Ă la branche de vente de King Ă Atlanta.
âJe ne connaissais ni le groupe ni le chanteur principalâ, confie Bass. âMais je savais que je devais avoir cette chanson.â
Alors qu’une violente tempĂȘte retenait Leonard Chess, Ă la tĂȘte de Chess Records, Ă Chicago, Bass roula toute la nuit jusqu’Ă Macon, oĂč il fut confrontĂ© Ă une coutume locale pour le moins singuliĂšre.
âBrantley avait peur que quiconque sache qu’il traitait avec un type blanc de l’extĂ©rieur, alors au tĂ©lĂ©phone, il mâa dit d’aller Ă la gare et d’observer les stores du salon de coiffure en faceâ, se remĂ©more Bass. âIl mâa dit que quand les stores bougeraient Ă huit heures, ce serait le signal pour entrer.
Comme prĂ©vu, Ă huit heures pile, les stores ont bougĂ© et je suis entrĂ©.â
James Brown pochette
Bass a obtenu les signatures des Flames sur un contrat King/Federal pour deux cents dollars.
Il ne savait toujours pas qui Ă©tait le chanteur principal jusqu’Ă ce soir-lĂ dans un club Ă la pĂ©riphĂ©rie. Les cris des filles l’ont mis sur la voie.
Syd Nathan, le bouillonnant et visionnaire patron de King Records Ă Cincinnati, en avait fait l’un des labels indĂ©pendants les plus importants des Ătats-Unis, aussi influent en country qu’en r&b.
Pour les Flames, tous issus de milieux modestes du Sud, signer chez King Ă©tait synonyme d’espoir.
Ils se rendent Ă Cincinnati et, le 4 fĂ©vrier 1956, enregistrent avec le groupe maison de King âPlease Please Pleaseâ et trois autres titres. La version dĂ©mo de âPlease Please Pleaseâ plaĂźt Ă Bass.
Mais Nathan déteste le disque et menace de virer Bass. Ce dernier parvient à le convaincre de donner une chance à la chanson.
âJâai fait Ă©couter un extrait en routeâ, raconte Bass. âToutes les filles Ă©taient folles de ce morceau. J’ai persuadĂ© Nathan de le sortir Ă Atlanta pour tester le marchĂ©.â
BoostĂ© par des performances scĂ©niques remarquables et dâĂ©normes ventes dans le Sud, âPlease Please Pleaseâ se hisse au sommet des charts R&B. James Brown et les Flames Ă©taient sur la voie de la cĂ©lĂ©britĂ©. Du moins, c’est ce qu’ils pensaient.
Bien que le titre ait finalement atteint le million de ventes, il Ă©tait en dĂ©calage avec l’Ă©poque. Face Ă lâessor du rock ‘n’ roll et des artistes comme Little Richard et Elvis Presley, le morceau semblait destinĂ© Ă cantonner James Brown Ă un succĂšs rĂ©gional.
Pendant plus de deux ans, chaque nouveau single est un échec.
Les autres membres, déjà frustrés par la place prépondérante de Brown, quittent le groupe ; Nathan souhaiterait que JB en fasse autant.
Mais le chanteur, avec une dĂ©termination inĂ©branlable, poursuit son chemin dans l’ombre, Ă©paulĂ© par quelques musiciens rencontrĂ©s au grĂ© des opportunitĂ©s.
Durant l’Ă©tĂ© 1958, James Brown a trouvĂ©, adaptĂ© ou reçu une ballade pop-gospel qui deviendra sa planche de salut.
Il enregistre âTry Meâ â un plaidoyer littĂ©ral pour ĂȘtre acceptĂ© â Ă New York, avec un groupe en studio comprenant le futur grand du jazz Kenny Burrell Ă la guitare. En janvier 1959, le titre trĂŽne en tĂȘte du classement R&B national et se glisse dans le Top 50 pop.
Son succĂšs attire l’attention du manager professionnel Ben Bart de Universal Attractions, et entraĂźne le recrutement d’un groupe rĂ©gulier dirigĂ© par le saxophoniste tĂ©nor J.C. Davis. Bobby Byrd, ancien membre des Famous Flames, revient Ă©galement aux cĂŽtĂ©s de Brown.
King Records, soudainement intĂ©ressĂ© par son chanteur expressif, sort deux albums complets de James Brown. âTry Meâ avait lancĂ© le compte Ă rebours vers la cĂ©lĂ©britĂ©.
Deux singles suivent avec un succĂšs modĂ©rĂ© : âI Want You So Badâ et âGood Good Lovin’â. Brown et son groupe font leurs dĂ©buts au lĂ©gendaire Apollo Theater de New York.
Cependant, son prochain grand succĂšs doit ĂȘtre obtenu de maniĂšre dĂ©tournĂ©e.
Avec son groupe bien Ă©tabli, Brown propose Ă Nathan de leur accorder leurs propres sorties de disques. Malheureusement, aprĂšs l’Ă©chec d’un instrumental de Brown â âDoodle Bugâ â JB ne peut obtenir le soutien de Nathan.
Il se tourne alors vers Henry Stone, un vieil ami de Miami et distributeur de disques indépendant.
âJames Ă©tait vraiment contrariĂ© par Syd Nathanâ, raconte Stone, se souvenant de la session de dĂ©cembre 1959.
Malgré les protestations de Stone, Brown insiste pour enregistrer.
Stone finit par superposer la voix du DJ de Miami âKingâ Coleman, tout en conservant certains cris de Brown en arriĂšre-plan.
Le groupe est rebaptisĂ© Nat Kendrick & The Swans, et leur titre â(Do The) Mashed Potatoesâ dĂ©clenche une mode nationale.
Brown voit âMashed Potatoesâ surpasser son propre âIâll Go Crazyâ, une piste dynamique malgrĂ© l’apparente lĂ©thargie de son groupe en studio.
Entre les prises, le leader frustrĂ© les pousse Ă donner le meilleur, leur disant qu’ils doivent ressentir le groove.
Comme la plupart des meilleurs titres de James Brown, la premiĂšre prise devient la version single.
Alors que les deux chansons sont en tĂȘte des charts en fĂ©vrier 1960, Brown rĂ©invente âThinkâ des â5â Royales, un classique d’harmonie des annĂ©es 1950 qu’il adore, pour en faire un prĂ©curseur du funk.
La version finale, maintenant reconnue comme un tournant dans la musique populaire, est arrangée sur le moment.
James Brown, surnommĂ© « Mr. Dynamite », Ă©tait bien plus qu’un simple chanteur ou musicien.
Il Ă©tait une force de la nature, une prĂ©sence magnĂ©tique qui commandait l’attention de toute personne Ă sa portĂ©e, que ce soit dans un studio ou sur scĂšne.
Les premiĂšres annĂ©es de sa carriĂšre, il a Ă©coutĂ© attentivement les conseils des ingĂ©nieurs et des producteurs de King, mais il est rapidement devenu le maĂźtre incontestĂ© de ses sessions d’enregistrement.
Sa capacitĂ© Ă s’immerger dans une chanson, Ă en tirer le maximum d’Ă©motion, est Ă©vidente dans des ballades comme « Bewildered », « I Donât Mind », « Baby Youâre Right » et « Lost Someone ».
Mais ce qui distinguait vraiment Brown, c’Ă©tait son incroyable Ă©nergie scĂ©nique.
Il transformait chaque chanson en une performance épique, soutenu par les Famous Flames.
Ces performances Ă©taient théùtrales, avec une panoplie de capes colorĂ©es qu’il changeait Ă chaque sortie de scĂšne, amplifiant ainsi le drame et le sentiment du public.
La description de Charlie Feldman du spectacle de James Brown Ă Rickwood Field Ă Birmingham, en Alabama, illustre parfaitement l’impact Ă©motionnel de ses performances.
Les gens s’habillaient de leurs plus beaux atours, non seulement pour le spectacle, mais parce qu’ils venaient voir le grand James Brown.
L’anecdote de la femme courant aprĂšs le camion de Brown, pieds nus, abandonnant ses chaussures neuves, est une illustration parfaite de la dĂ©votion et de la passion que Brown inspirait chez ses fans.
Cette capacité à captiver, à commander une telle réaction émotionnelle, a fait de James Brown une légende.
Ses performances, qu’il s’agisse de ballades ou de morceaux uptempo comme « Night Train », Ă©taient toujours livrĂ©es avec une intensitĂ© et une passion brĂ»lantes, faisant de chaque spectacle une expĂ©rience inoubliable pour ceux qui Ă©taient prĂ©sents.
L’audace de James Brown n’avait d’Ă©gale que son talent. L’idĂ©e de capturer l’Ă©lectricitĂ© de ses concerts sur un album live, en plein cĆur de l’Apollo Theater de Harlem, Ă©tait un pari risquĂ©.
Pourtant, qui mieux que lui pour relever le dĂ©fi? L’Apollo, ce temple sacrĂ© de la musique noire-amĂ©ricaine, a vibrĂ© au rythme du Godfather of Soul, et ce n’Ă©tait pas qu’une simple performance. C’Ă©tait une communion.
Malgré les réticences initiales de Syd Nathan, visionnaire mais parfois étriqué, Brown a su imposer sa vision.
Ce live Ă l’Apollo est une capture d’Ă©nergie brute, une fenĂȘtre ouverte sur l’essence mĂȘme de ses shows : une passion dĂ©bridĂ©e, un dialogue permanent avec son public, et cette musique, viscĂ©rale.
Mais James Brown, loin de se reposer sur ses lauriers, a décidé de se réinventer.
Se lançant dans les ballades pop orchestrées, il a pris un virage audacieux.
Accompagné du maestro Sammy Lowe, il a plongé dans un univers sonore riche et luxuriant.
« Prisoner Of Love », avec ses arrangements sophistiquĂ©s, a dĂ©voilĂ© une nouvelle facette de l’artiste : celle d’un crooner capable d’Ă©mouvoir tout autant qu’il peut faire danser.
Avec « Prisoner Of Love », James Brown n’a pas seulement atteint les sommets des charts.
Il a prouvé, une fois de plus, sa capacité à se réinventer, à surprendre, à évoluer.
C’est cette polyvalence, cette soif d’innovation, qui fait de lui une icĂŽne intemporelle.
1963 a été une année de turbulences et de transformations.
L’AmĂ©rique, secouĂ©e par le mouvement des droits civiques qui atteint son apogĂ©e avec la marche sur Washington, ressent Ă©galement le choc de l’assassinat du prĂ©sident Kennedy.
La musique reflĂšte cette effervescence : Joan Baez et Bob Dylan donnent une voix aux revendications des Ă©tudiants Ă Newport, tandis que de l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique, les Beatles symbolisent la montĂ©e en puissance de la gĂ©nĂ©ration du baby-boom.
Au milieu de tout cela, James Brown Ă©merge comme une force incontournable. Alors que « Prisoner Of Love » fait fureur, son album Live At The Apollo, brut et authentique, grimpe les charts pour devenir l’un des albums les plus vendus de l’annĂ©e. Le dynamisme de sa tournĂ©e reflĂšte la montĂ©e en puissance de sa carriĂšre.
Cependant, le dĂ©saccord entre Brown et Syd Nathan, en dĂ©calage avec les Ă©volutions musicales contemporaines, s’intensifie.
Brown, assoiffĂ© d’indĂ©pendance, crĂ©e son propre label, Try Me, et une maison d’Ă©dition, Jim Jam Music.
Cette annĂ©e-lĂ , il n’enregistre que trois fois, explorant de nouveaux territoires sonores.
Mais l’ingĂ©rence de King Records, qui modifie son album live Pure Dynamite en y intĂ©grant de nouveaux enregistrements studio, dĂ©montre la tension croissante entre l’artiste et son label.
1963 fut l’annĂ©e oĂč Brown et Bart visĂšrent encore plus haut. Ensemble, ils ont fondĂ© Fair Deal Records Ă l’automne, collaborant avec Smash, une division de Mercury Records, et donnant naissance Ă des productions JB de talents comme Anna King et Bobby Byrd.
C’est Ă cette pĂ©riode que Brown se retrouva en tĂȘte d’affiche d’une tournĂ©e Motown.
En 1964, malgré un contrat en cours avec King, James Brown fit son apparition chez Smash.
Sous l’Ă©gide de Fair Deal, il enregistra Ă un rythme effrĂ©nĂ©, offrant un Ă©ventail musical allant de grands classiques du r&b Ă des standards MOR, en passant par des instrumentaux jazzy comme « Grits ».
Mais c’est avec des compositions originales comme « I Got You », « Itâs A Manâs World » et « Out Of Sight » que Brown signalait un changement de cap dans sa musique.
Ce renouveau rythmique fut en grande partie dĂ» Ă l’arrivĂ©e de nouveaux talents au sein de son groupe, comme le directeur musical Nat Jones, et les frĂšres Melvin et Maceo Parker, deux jeunes audacieux venus de Kinston, en Caroline du Nord.
L’entrĂ©e des Parker dans l’univers de Brown fut assez Ă©pique, Melvin posant comme condition que son frĂšre Maceo soit Ă©galement engagĂ©.
Ils avaient prĂ©vu de rester un an avant de retourner Ă leurs Ă©tudes, mais le destin en a dĂ©cidĂ© autrement. Bien qu’appelĂ©s Ă servir dans l’armĂ©e, leur passage chez Brown ne serait que le dĂ©but d’une collaboration fructueuse.
Cependant, alors que « Out Of Sight » grimpait dans les charts, la carriÚre discographique de Brown a été secouée par des enjeux juridiques. King Records a porté plainte contre Smash, bloquant la sortie de ses enregistrements vocaux sur ce label.
King s’est alors contentĂ© de republier d’anciens albums avec de nouvelles pochettes, montrant Ă quel point les tensions entre Brown et son label Ă©taient palpables.
1964 fut sans doute l’annĂ©e charniĂšre pour James Brown. Alors que Mercury Records tentait de racheter King Records dans le but de s’emparer de la star montante, Nathan refusa, souhaitant maintenir son chanteur sous les termes contractuels existants.
Mais Brown n’Ă©tait pas prĂȘt Ă cĂ©der si facilement et n’est revenu chez King qu’aprĂšs avoir obtenu un contrat bien plus avantageux.
En octobre, la scĂšne californienne s’est embrasĂ©e lorsque Brown et son Ă©quipe ont pris d’assaut la scĂšne du T.A.M.I. Show de Steve Binder, Ă©clipsant mĂȘme les Rolling Stones.
ParallÚlement à cet exploit, lui et les Famous Flames ont réalisé une apparition mémorable dans le film « Ski Party » avec Frankie Avalon, interprétant en playback la version retirée de « I Got You » parue chez Smash.
MalgrĂ© l’absence temporaire de nouveaux morceaux, la notoriĂ©tĂ© de Brown ne souffrait pas. Tout comme son idole de jeunesse Louis Jordan, il Ă©tait dĂ©sormais projetĂ© sur les grands Ă©crans Ă travers le pays.
La nation pouvait voir de ses propres yeux cette Ă©toile montante qui, par son talent et son charisme, ne ressemblait Ă personne d’autre.
De retour chez King, fort de son nouveau contrat, Brown Ă©tait sur le point de dĂ©voiler une nouvelle merveille musicale, prouvant une fois de plus qu’il Ă©tait toujours Ă la pointe de l’innovation.
En dĂ©but d’annĂ©e 1965, James Brown a offert au monde une nouvelle pĂ©pite musicale : « Papaâs Got A Brand New Bag ».
Plus qu’une simple chanson, elle incarnait son renouveau au sein du label King et annonçait une nouvelle orientation musicale et culturelle.
EnregistrĂ©e Ă la hĂąte en moins d’une heure en route vers un concert en fĂ©vrier 1965, le titre traduisait toute l’urgence et la franchise propres Ă Brown.
MalgrĂ© une fatigue palpable, exacerbĂ©e par un long trajet en bus, l’Ă©nergie de Brown et sa foi inĂ©branlable en cette mĂ©lodie (« C’est un hit ! ») a galvanisĂ© le groupe.
Et contre toute attente, ce titre, premier inĂ©dit de Brown chez King depuis plus d’un an, a Ă©tĂ© propulsĂ© au sommet des charts, affirmant ainsi l’arrivĂ©e du « Star Time ».
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Face Ă l’impact colossal de cette crĂ©ation, mĂȘme le toujours confiant James Brown semblait sidĂ©rĂ©.
Il a avouĂ© au DJ Alan Leeds, alors que le morceau grimpait dans les classements : « C’est un peu au-delĂ de ce que je peux comprendre pour l’instant.
Je suis en train de combattre le futur.
C’est… c’est… c’est quelque chose d’inĂ©dit.
Si vous pensez que je suis fou, comparez ce titre Ă n’importe lequel de votre collection, mĂȘme un autre James Brown, et vous verrez que rien ne ressemble Ă ce son. C’est un nouveau bag, comme je le chante. »
L’euphorie de « Papa’s Got A New Bag » a donnĂ© naissance Ă une nouvelle version de « I Got You », dĂ©sormais sous-titrĂ©e « (I Feel Good) ».
James Brown Ă©tait sur une lancĂ©e, faisant des apparitions sur des Ă©missions tĂ©lĂ©visĂ©es qui, auparavant, ne l’avaient jamais invitĂ©.
Renforçant son « Orchestra » avec des musiciens jazz et blues de renom, il rĂ©coltait les lauriers de son travail, et ouvrait les portes d’un futur prometteur.
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En mars 1966, James Brown et sa troupe traversĂšrent l’Atlantique pour se produire Ă Londres et Ă Paris.
Ils furent les vedettes de l’Ă©mission britannique branchĂ©e âReady, Steady, Go!â.
Les Ă©lites britanniques ne surent comment rĂ©agir ; l’animatrice Cathy McGowan et ses adeptes mods trouvĂšrent la prestation de JB « tout simplement Ă©pouvantable ».
Pourtant, les théùtres bondĂ©s tĂ©moignaient d’une tout autre histoire. Depuis, les fans europĂ©ens ont toujours rĂ©servĂ© un accueil chaleureux Ă Brown.
Ă son retour aux Ătats-Unis, des centaines de fans l’accueillirent Ă l’aĂ©roport Kennedy. Peu aprĂšs, il Ă©tait en tĂȘte d’affiche Ă Madison Square Garden, et en mai, il fit ses dĂ©buts en prime time dans The Ed Sullivan Show.
Brown s’impliqua Ă©galement fortement dans les droits civils, organisant un grand rassemblement au Mississippi et fraternisant avec les icĂŽnes Sinatra, Martin et Davis Jr.
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En aoĂ»t 1966, James Brown fit un geste audacieux pour un artiste afro-amĂ©ricain de l’Ă©poque : il s’offrit un Lear Jet.
Il s’en servit notamment pour se rendre Ă la Maison Blanche et discuter de la campagne « Donât Be A Dropout » avec le vice-prĂ©sident Hubert H. Humphrey. C’Ă©tait une pĂ©riode euphorique.
Son plus grand succĂšs international cette annĂ©e-lĂ fut la ballade Ă©mouvante « Itâs A Manâs Manâs Manâs World ».
Orchestre en grande partie par Sammy Lowe, l’enregistrement fut rapide, tellement que Lowe ne prit presque pas le temps de le noter dans son journal personnel.
« AprĂšs la premiĂšre prise, James a dit : âC’est bon, ça me plaĂźtâ, se souvient Lowe. Il n’aimait pas refaire les prises. Mais j’en ai insistĂ© pour une de plus, par prĂ©caution. Qui sait laquelle ils ont utilisĂ©e. »
La musique de Brown Ă©voluait, tout comme son groupe. L’Orchestra Ă©tait Ă son apogĂ©e, et avec l’aide de Nat Jones pour traduire les directives de Brown, le rythme du groupe se modifia.
Parfois swing (« Bring It Up », « Ainât That A Groove »), parfois une Ă©nergie simple et brute (« Money Wonât Change You »), ce n’Ă©tait pas encore le funk dans toute sa splendeur.
Mais c’Ă©tait du JAMES BROWN : un style unique, totalement diffĂ©rent de Motown, Stax, Atlantic et des autres grandes rĂ©fĂ©rences musicales de l’Ă©poque.
1967 fut une année de transition et de transformation pour James Brown et son groupe.
L’ajout d’une section de cordes Ă l’Orchestre a Ă©tĂ© une innovation audacieuse, mettant en Ă©vidence la volontĂ© de Brown d’expĂ©rimenter et de pousser les limites de ce qu’un artiste de sa stature pouvait faire.
La dĂ©mission de Nat Jones a Ă©tĂ© un coup dur, mais le talent et la polyvalence d’Alfred âPee Weeâ Ellis ont permis au groupe de poursuivre son ascension.
Ellis, avec son background jazz, a rapidement compris l’importance de sa position et l’Ă©nergie incroyable que dĂ©gageait Brown sur scĂšne.
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âLet Yourself Goâ symbolisait la transition musicale en cours, avec Brown qui maintenait son rĂŽle de leader incontestĂ©, mais donnait Ă©galement plus d’espace Ă son groupe pour s’exprimer.
Cette dynamique est devenue plus apparente avec la sortie de âCold Sweatâ.
Avec sa structure minimaliste et son influence jazz, la chanson a bousculé les conventions et établi un nouveau standard pour la musique funk.
Le titre est devenu emblématique, non seulement pour son rythme innovant, mais aussi pour la maniÚre dont il a été façonné en studio.
L’introduction d’un solo de batterie, une premiĂšre pour l’Ă©poque, a Ă©galement marquĂ© l’Ă©volution de la musique de James Brown.
Jerry Wexler, producteur de renom, a soulignĂ© l’impact dĂ©vastateur de âCold Sweatâ sur la communautĂ© musicale, montrant que Brown Ă©tait Ă la pointe de la musique contemporaine.
Tout en continuant Ă innover en studio, Brown n’a jamais relĂąchĂ© son rythme effrĂ©nĂ© de tournĂ©e, montrant une Ă©thique de travail inĂ©galĂ©e.
Que ce soit en faisant ses débuts au Tonight Show ou en courant pour promouvoir un concert à Richmond, James Brown était une force de la nature, toujours en mouvement, toujours à la recherche de la prochaine grande chose.
« Selon ‘Jabo’ Starks, on ne pouvait pas toujours mettre par Ă©crit l’essence mĂȘme de la musique. L’alchimie Ă©tait telle entre eux qu’il suffisait d’un signe de James pour savoir quand la magie opĂ©rait.
Durant cette annĂ©e pivot, James Brown a dĂ©montrĂ© qu’il Ă©tait bien plus qu’un simple chanteur Ă la sonoritĂ© unique et Ă l’Ă©nergie dĂ©bordante.
Alors qu’il collaborait avec Sammy Lowe et, nouveautĂ©, avec le groupe blanc de Cincinnati, les Dapps, Brown se rĂ©vĂ©lait Ă©galement comme un porte-parole et un modĂšle Ă suivre.
James était partagé quant à ce nouveau rÎle.
Dans un Ă©lan de patriotisme, il a acceptĂ© de co-prĂ©sider un programme pour la jeunesse avec le champion Muhammad Ali, une collaboration rapidement avortĂ©e suite au refus d’Ali de rejoindre les rangs militaires.
Et tandis que la soul moderne incarnĂ©e par Aretha Franklin et le label Stax Records se frayait un chemin vers le grand public, avec Otis Redding de Stax sĂ©duisant la gĂ©nĂ©ration rock psychĂ©dĂ©lique Ă Monterey, Brown s’orientait vers le marchĂ© de Las Vegas.
Il y interprĂ©tait des standards comme « That’s Life » tout en continuant de marquer les esprits avec « Cold Sweat ».
1968 fut une annĂ©e de perte pour Brown : Syd Nathan, son mentor d’affaires Ben Bart, son inspiration Little Willie John, et le mastodonte King Records qui changea de main Ă deux reprises.
Mais ses déboires personnels pùlissaient face aux tragédies nationales. Les assassinats de Martin Luther King, Jr. et de Robert Kennedy enflammÚrent une nation déjà sous tension.
En rĂ©ponse, Brown s’est imposĂ© comme un leader, donnant un concert apaisant Ă Boston aprĂšs la mort de King et prĂŽnant la fraternitĂ© Ă Washington.
Cette année-là , il a également fait ses premiers pas sur les ondes en achetant deux stations et a multiplié les tournées, notamment avec le mythique Count Basie Orchestra. Une année riche en émotions et en chamboulements pour le Godfather of Soul. »
James Brown s’affirmait comme une figure d’influence considĂ©rable. Toutefois, ses gestes envers le gouvernement amĂ©ricain n’ont pas fait l’unanimitĂ© parmi les militants noirs, qui voyaient en lui un alliĂ© du systĂšme. Pourtant, Brown se dĂ©fendait dâune telle idĂ©e.
Il cherchait simplement, selon lui, Ă s’Ă©lever, espĂ©rant ainsi inspirer toute la nation afro-amĂ©ricaine. Et n’Ă©tait-ce pas un message fort qu’un homme issu d’un milieu modeste se retrouve Ă la table de la Maison-Blanche ?
Musicalement, Brown exprimait un message fort, avec des morceaux puissants comme âI Got The Feelinââ et âLicking Stick-Licking Stickâ. Mais c’est avec âSay It Loud â Iâm Black And Iâm Proudâ qu’il marque les esprits, capturant l’essence de la lutte pour les droits civiques. Qu’il l’ait fait sous la pression ou simplement parce qu’il le ressentait, l’impact Ă©tait rĂ©el.
L’effervescence entourant James Brown et son groupe dans les annĂ©es 1960 Ă©tait palpable.
Avec Ellis Ă la barre, les rĂ©pĂ©titions Ă©taient intensives, façonnant une synergie unique. Clyde Stubblefield, le batteur, Ă©voque ces moments magiques oĂč le groupe, malgrĂ© des Ă©quipements limitĂ©s, arrivait Ă faire vibrer des stades entiers.
Cependant, malgrĂ© ce rythme effrĂ©nĂ©, tout n’Ă©tait pas toujours parfait.
James Brown Ă©tait connu pour ĂȘtre strict, infligeant des amendes aux membres du groupe pour la moindre erreur. Mais, avec son flair unique, il savait transformer ces erreurs en moments mĂ©morables, comme le montre son tube âGive It Up Or Turnit A Looseâ.
Et chaque musicien restait constamment Ă l’affĂ»t des signaux de Brown, prĂȘt Ă s’adapter Ă ses directives improvisĂ©es, preuve de sa maĂźtrise inĂ©galĂ©e sur scĂšne.
Fred Wesley rĂ©sumerait plus tard l’expĂ©rience de travailler avec James Brown en une simple rĂšgle : « La premiĂšre chose Ă faire lorsque vous travaillez pour James Brown : gardez un Ćil sur James Brown. »
Au dĂ©but de 1969, le numĂ©ro 1 du soul Ă©tait sur une lancĂ©e effrĂ©nĂ©e. Sa musique, imprĂ©gnĂ©e de funk, et son message gagnaient en intensitĂ©. Avec des morceaux comme âI Donât Want Nobody To Give Me Nothingâ, il posait clairement sa position, tout en explorant diffĂ©rents univers musicaux.
Il collabora avec le Dee Felice Trio de Cincinnati sur des instrumentaux jazzy et fit une apparition remarquée pendant une semaine au Mike Douglas Show.
Cependant, la scÚne musicale évoluait, et James Brown sentait la pression de la concurrence.
Des groupes funk-rock comme Sly & the Family Stone ou les Isley Brothers renouvelés commençaient à gagner en popularité, tout comme les productions de Norman Whitfield chez Motown.
Pour aggraver les choses, l’orchestre de James Brown perdait quelques-uns de ses membres essentiels.
L’annĂ©e 1970 fut marquĂ©e par un coup dur pour Brown. La majoritĂ© des membres emblĂ©matiques du groupe des annĂ©es 1960, y compris des figures comme Maceo Parker, Jimmy Nolen et Alofonzo âCountryâ Kellum, dĂ©cidĂšrent de le quitter.
Seuls Byrd, qui revenait d’une tentative d’indĂ©pendance avec la chanteuse Vicki Anderson, et Starks, fidĂšle de la premiĂšre heure, restĂšrent Ă ses cĂŽtĂ©s.
Les Pacesetters, un groupe de huit adolescents de Cincinnati qui ont remplacé King dans le groupe de Brown, ont connu une ascension impressionnante.
Les « New Breed », comme ils furent d’abord appelĂ©s avant que Brown ne les baptise « The J.B.âs », ont radicalement transformĂ© son style et sa musique.
Avec eux, il met l’accent sur la guitare plutĂŽt que sur les cuivres, donnant une nouvelle direction Ă la musique afro-amĂ©ricaine. Les J.B.âs ramĂšnent James Brown Ă ses origines.
Avec eux, en seulement onze mois, il a produit des titres phares tels que « Sex Machine », « Super Bad », et bien d’autres. Ils ont redĂ©fini le genre.
Toutefois, malgrĂ© cette lancĂ©e, Brown Ă©tait dans une position dĂ©licate. Il savait qu’un autre dĂ©part pourrait le laisser sans groupe. Il dĂ©cida donc d’allĂ©ger sa discipline pour permettre aux J.B.âs de s’Ă©panouir, reconnaissant ainsi leur talent Ă©mergent.
« James ne nous a jamais rĂ©primandĂ©s », confie Catfish. « Contrairement aux anciens comme Maceo, il ne nous a jamais imposĂ© d’amendes. Nous faisions simplement notre travail. »
Brown avait un rĂŽle Ă la fois d’enseignant encourageant et de leader exigeant. Mais il n’a pas toujours soutenu l’esprit du groupe. Sur la route, il remplaçait parfois les jeunes cuivres par des musiciens locaux.
Lorsque d’anciens membres de son orchestre revinrent, les J.B.âs originaux ont commencĂ© Ă chercher ailleurs. AprĂšs un concert tendu Ă New York, Bootsy et Catfish quittent le navire pour rejoindre la troupe de George Clinton, le cĂ©lĂšbre P-Funk Mothership.
Dans les annĂ©es 1970, James Brown continue de donner le tempo avec ses nouveaux « J.B.’s », menĂ©s par Wesley, un talent de l’Alabama influencĂ© par le jazz.
Il nous a fallu deux semaines de rĂ©pĂ©tition dans les profondeurs de l’Apollo Theater pour que le solo de basse de Fred Thomas soit prĂȘt pour ses dĂ©buts.
Triomphes et défis : les années Polydor
En l’espace de deux mois, ils ont pondu des tubes tels que âEscape-ismâ, âI Know You Got Soulâ de Bobby Byrd et âHot Pantsâ.
Brown les a tous intégrés à son nouveau label, People. Une derniÚre danse avec King Records, désormais entre les mains de Lin Broadcasting et bientÎt repris par Tennessee Recording and Publishing Co.
Cependant, TRPC n’a pas vraiment tirĂ© son Ă©pingle du jeu. Le 1er juillet 1971, Brown, armĂ© de son prĂ©cieux catalogue, s’engage avec Polydor Records, qui assurait dĂ©jĂ sa distribution Ă l’international depuis janvier 1968.
Polydor, malgrĂ© sa renommĂ©e mondiale, peinait Ă se faire une place au soleil aux Ătats-Unis. L’arrivĂ©e de l’icĂŽne Brown leur confĂšre instantanĂ©ment une lĂ©gitimitĂ© dans le paysage musical urbain.
En contrepartie, James Brown se voit offrir un deal en or : davantage de royalties, une liberté artistique inégalée et une portée internationale renforcée.
Cerise sur le gùteau, Polydor lui dédie un bureau et une équipe promo dans leur quartier général new-yorkais.
Ils rĂ©cupĂšrent Ă©galement le label People, ouvrant Ă Brown de nouvelles perspectives pour les sorties des J.B.’s, Lyn Collins , Maceo Parker qui fait son retour, et d’autres prod estampillĂ©es JB.
Et pour inaugurer ce partenariat en grande pompe, Brown met de cĂŽtĂ© l’album dĂ©jĂ masterisĂ© de King, Love Power Peace, un triple vinyle enregistrĂ© live Ă Paris, au crĂ©puscule de l’Ăšre des premiers J.B.âs.
En remplacement, il enregistre en un mois un album live flambant neuf, Revolution Of The Mind: Live at the Apollo Vol. III, agrĂ©mentĂ© d’une nouvelle mouture de âHot Pantsâ et du single âMake It Funky.â
Cette pĂ©riode fut d’une crĂ©ativitĂ© bouillonnante. De l’Ă©tĂ© 1971 Ă l’hiver 1972, Brown aligne dix hits consĂ©cutifs au top des charts R&B/Soul, se mesurant Ă de nouvelles sonoritĂ©s signĂ©es Marvin Gaye , Stevie Wonder , les Isley Brothers , Al Green , le label Philadelphia International et une nouvelle vague de groupes funk. FrĂŽlant la quarantaine, il se mĂ©tamorphose, passant du statut de « Soul Brother No. 1 » vieillissant Ă celui d’incontestĂ© « Parrain de la Soul ».
1973 marque une pause douloureuse pour Brown.
Le dĂ©cĂšs tragique de Teddy , son fils aĂźnĂ©, dans un accident de voiture en juin, l’Ă©branle profondĂ©ment. Pourtant, il poursuit.
Il signe les bandes-son des films Black Caesar et sa suite, Slaughterâs Big Rip-Off. Devait suivre un troisiĂšme opus musical autour du titre poignant âThe Paybackâ.
Cependant, les producteurs du film le rejettent. Qu’importe pour JB qui en fait le morceau phare de son double album.
Ă la recherche d’un son funk avec des arrangements plus Ă©laborĂ©s, Brown a collaborĂ© avec Dave Matthews, qu’il considĂ©rait comme le successeur moderne de Sammy Lowe.
JB, sĂ©duit par l’entourage de Matthew et ses musiciens new-yorkais, opte souvent pour un son fusionnel que rĂ©sument les solos de David Sanborn (saxophone alto), Joe Farrell (bois), Billy Cobham (batterie) et Hugh McCracken.
Le résultat est un ensemble de titres puissants, dont « King Heroin », narré par Manny Rosen-ex-con, ancien serveur du restaurant new-yorkais préféré de Brown et dealer de nombreuses célébrités, ainsi que les chansons « Public Enemy #1 » et « I Got A Bag Of My Own ».
Au cours de cette pĂ©riode, la force marketing de Polydor a aidĂ© Brown Ă construire sa rĂ©putation en tant qu’artiste d’album.
Les albums Hot Pants, Revolution of the Mind, There It Is et Get On The Good Foot témoignent de son avant-gardisme.
Mais mĂȘme pour James Brown, le succĂšs n’est jamais garanti.
En 1975, aprĂšs l’impact de « Funky President », une chanson de Reality, il voit sa carriĂšre dĂ©cliner.
Ă la mi-annĂ©es 70, James Brown se trouvait Ă la croisĂ©e des chemins musicaux : trop brut pour le disco, et manquant de lâunicitĂ© recherchĂ©e par les passionnĂ©s de Parliament-Funkadelic.
La fatigue et l’incertitude se lisaient sur Brown lui-mĂȘme. Depuis 20 ans, il donnait tout de lui, menant son orchestre d’une main de maĂźtre. Nombre d’artistes auraient flanchĂ© bien avant lui en en faisant la moitiĂ©.
Il incarnait le musicien afro-américain le plus accompli du 20e siÚcle, une superstar de renommée internationale. Pourtant, la reconnaissance institutionnelle lui échappait encore sur ses propres terres.
Brown voyait des artistes qu’il avait influencĂ©s connaĂźtre une ascension rapide, avec davantage de publicitĂ©, des contrats plus lucratifs et des opportunitĂ©s bien supĂ©rieures aux siennes. Ses relations avec Polydor se dĂ©tĂ©riorĂšrent. Les ennuis avec le fisc se multipliĂšrent.
Cette pĂ©riode trouble se ressentait dans sa musique ; Brown ne dictait plus la tendance, il la suivait. MalgrĂ© tout, il dĂ©livrait encore des titres percutants tels que âGet Up Offa That Thingâ et âBody Heatâ, tubes internationaux entre 1976 et 1977.
En 1979, aprĂšs des annĂ©es Ă produire lui-mĂȘme ses disques, JB accepta Ă contrecoeur de collaborer avec un producteur extĂ©rieur, Brad Shapiro, connu pour ses succĂšs avec Sam & Dave, Wilson Pickett ou encore Millie Jackson.
Leur collaboration donna naissance Ă l’album The Original Disco Man et au single âItâs Too Funky In Hereâ, un succĂšs relatif mais suffisant pour parler de retour en grĂące.
Shapiro, fan de Brown depuis un concert de 1961, formé en studio par Henry Stone, connaissait le caractÚre bien trempé de son idole.
Il sut pourtant garder le contrĂŽle total des sessions, exploit remarquable face au trĂšs indĂ©pendant James Brown. Shapiro Ă©tait fascinĂ© par l’Ă©nergie et lâinventivitĂ© dĂ©bordante de Brown.
« J’Ă©tais captivĂ© par son sens du rythme », confia Shapiro. « Quand on a enregistrĂ© âItâs Too Funky In Hereâ, il a saisi le micro, s’est mis Ă danser et a lancĂ© : ‘I need a little air freshener under the drums’ â Ă cet instant, je n’avais qu’Ă le suivre ! »
âItâs Too Funky In Hereâ devint un must des rares concerts de Brown. Plus prĂ©sent en tournĂ©e au Royaume-Uni et en Europe qu’aux Ătats-Unis, il sĂ©duisit en dĂ©cembre 1979 un public fervent Ă Tokyo. Ces shows tokyoĂŻtes furent pĂ©rennisĂ©s dans Hot On The One, un double album live, l’un de ses derniers chez Polydor.
En 1980, Ă l’approche de la fin de son contrat avec Polydor, Brown enregistra âRapp Payback (Where Iz Moses)â, une version modernisĂ©e et dynamique de son classique hypnotique.
Il le sortit chez TK Records, un label orienté disco qui avait réussi à rivaliser avec lui dans les charts au milieu des années 70. TK était dirigé par Henry Stone.
James Brown et le cinéma : de The Blues Brothers à Rocky IV
Dans les années 1980, James Brown connaßt une renaissance.
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AprĂšs une brĂšve incursion dans les clubs new wave qui le redĂ©couvrent, il est prĂ©sentĂ© Ă un public pop plus large grĂące Ă des films dont les forces crĂ©atives sont des fans de James Brown : The Blues Brothers , oĂč Brown incarne un prĂȘcheur exaltant face Ă John Belushi et Dan Aykroyd ; Doctor Detroit, Ă©galement avec Aykroyd ; et Rocky IV de Sylvester Stallone, montrant JB dans une apparition mythique interprĂ©tant âLiving In Americaâ, son plus grand succĂšs pop depuis âSay It Loud â I’m Black And I’m Proudâ en 1968.
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Le soir oĂč âLiving In Americaâ intĂšgre le Top 5 amĂ©ricain, James Brown est intronisĂ© comme membre fondateur du Rock ‘n’ Roll Hall Of Fame. Il obtient la reconnaissance institutionnelle qu’il dĂ©sirait tant.
Il est le seul intronisé à avoir un hit contemporain.
Sur le terrain, une appréciation radicalement plus importante de James Brown émerge.
Une nouvelle gĂ©nĂ©ration dĂ©couvre sa musique et recycle, via le sampling, son hĂ©ritage. En particulier âFunky Drummerâ, single de 1970, devient une base incontournable.
L’impact de Brown sur la musique moderne : le sampling et au-delĂ
On estime qu’entre deux et trois mille morceaux de rap de la fin des annĂ©es 1980 contiennent un sample de James Brown.
De plus, ses collaborations avec Afrika Bambaataa et Full Force sont des hommages rendus par des disciples respectueux.
En décembre 1988, Brown est condamné à deux peines de prison de six ans chacune.
Dans le cadre de sa peine, le Parrain de la Soul conseille les dĂ©munis locaux et prĂȘche contre la drogue. Il est libĂ©rĂ© le 27 fĂ©vrier 1991.
Pendant son absence, Polydor profite de son hĂ©ritage. âShe’s The Oneâ, un morceau non publiĂ© de 1969, devient un petit succĂšs au Royaume-Uni.
AprĂšs sa sortie de prison, Brown reprend les tournĂ©es et l’enregistrement, d’abord pour Scotti Brothers puis pour plusieurs petits labels, dont son propre Georgia-Lina Records.
Ironiquement, si ses anciens morceaux sont plus écoutés que jamais grùce au sampling, ses nouvelles productions peinent à trouver leur public.
En 1992, il reçoit un Grammy pour l’ensemble de sa carriĂšre et partage un autre pour les notes de sa compilation Star Time.
MĂȘme s’il aspirait Ă retrouver un succĂšs comme âLiving In Americaâ, une lĂ©gende comme James Brown n’avait plus besoin de tubes pour vendre des billets ; durant les annĂ©es 1990 et 2000, il Ă©tait un vĂ©ritable tĂȘte d’affiche, se produisant souvent dans les lieux les plus prestigieux du monde.
Les derniers jours et l’immortalitĂ© d’un artiste emblĂ©matique
James Brown s’est Ă©teint le matin de NoĂ«l 2006, aprĂšs une courte maladie.
Ătonnamment, au moment de sa mort soudaine, ses tournĂ©es Ă©taient plus rentables que jamais dans sa carriĂšre.
Tout au long de sa longue carriĂšre, Brown a portĂ© de nombreux surnoms tels que âMr. Dynamiteâ et âThe Hardest Working Man In Show Businessâ, mais un seul rĂ©sume parfaitement son hĂ©ritage. Vive James Brown â LE PARRAIN DE LA SOUL.